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just fragments, ransacked memories,
boatman sings his downstream melodies.
@susheela raman ~ the same song.

Après avoir clos toutes les démarches administratives, il avait pris le premier train, direction Inverness. Pas parce que la ville était particulièrement chère à son coeur, mais au moins, là bas, il n’y aurait pas l'opprobre incessante de cette petite bourgeoisie bien-pensante. Le doute sur ces visages qui autrefois, il n’y avait pas si longtemps, lui souriaient. A chacun de ses pas, dans les rues de cette ville où il s’était établi, près de deux décennies auparavant, l’ombre de la médisance et des ragots, le ricanement insidieux, inaudible pourtant, de la calomnie, avaient fait d’Aberdeen un endroit honni et invivable. Il avait clamé son innocence, en vain, ils ne l’avaient pas écouté. Alors il avait décidé que c’en était fini, de se justifier. Après tout, il ne leur devait rien, il avait purgé la peine à laquelle ils avaient jugé bon de le condamner, il n’y avait plus rien à espérer.
Peut-être commet-il une erreur, parce ce qu’il fuit, ni plus ni moins, et cette pensée le taraude plus qu’il ne l’aurait voulu.

Il ne l’aurait pas soupçonné, mais ce retour s’avérait déjà étrangement salvateur; il y avait quelque chose, un air un peu emprunt de mélancolie et aussi - surtout - d’insouciance, qui parvenait, contre toute attente, à apaiser son esprit. Tout était familier, mais lui avait changé, suffisamment pour ne plus ressentir l’inconfortable vulnérabilité de ses jeunes années. Il était de retour chez lui, et il prenait conscience que cette ville, malgré l’envie qu’il avait pu avoir de s’en détacher, serait toujours présente dans chaque parcelle de lui-même.
Une seule interrogation pourtant, faisait trembler les fondations de cette nouvelle détermination, celle d’assumer pleinement ce qu’il était, ce clan, avec ses failles et ses atouts. Le doute planait, prêt à l’aspirer dans un précipice sans fond: allait-il le retrouver, et surtout, comment ces années auraient-elles posé leur empreinte? Se souviendrait-il? Avait-il trouvé chez quelqu’un d’autre, l’appui et la loyauté dont il avait si cruellement besoin?
Debout, au milieu de cette clairière, il revoit les échappées, les moments volés, un bonheur fugace mais d’une intensité jamais égalée. Il se rappelle des échanges parfois sans aucun mot, les gestes un peu hésitants, l’amour qui venait d’éclore.

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I loved you like how an abscessed tooth beats at the root, incessant and painful and raw.
I would have swallowed the entire Earth whole if you’d asked me to.
I would have taken the sky by the corners and ripped it away from the horizon.
So yes, it was the hungriest I’d ever been.
@prideful of lions ~ azra t.

Un autre jour. Sempiternelle répétition des mêmes actes, des mêmes formalités. Un autre jour dans les faubourgs d'une Inverness corrompue. Cité à la façade si paisible mais qui boue en dedans, intoxiquée de son propre poison, celle que ses enfants distillent à coups de meurtres et d'infamies. Ville criminelle, vénale, dont le coeur bat au rythme des ecchymoses, des damages infligés. Et aucun d'entre eux mieux exécutés que par les hommes entassés dans ce bar aux apparences tranquilles. Là, accoudés au zinc graisseux les criminels les plus redoutés de la ville - mais pas toujours les plus malins. - you'll never believe who just came back into town! lance l'un d'eux, aussi excité de partager sa nouvelle que les grand-mères du quartier sont impatientes de partager leurs derniers potins. - MacLachlan. Walt MacLachlan. Rusty saw him at the train station about an hour ago. - That ought to stir things up a bit, heard his brother was trying to sell their folks' place. Au bout du comptoir, une silhouette vêtue de noir s'éclipse discrètement, ne laissant qu'un billet et un verre plein derrière lui.

Walt. Rares sont les mots qui ont de l'influence sur Sebastian, mais celui de son amour de jeunesse - son seul amour, vraiment - a plus de force sur ses pensées que n'importe quel autre. Lui d'habitude si calme, il a le palpitant qui s'affole, c'est déroutant, insupportable même. Les souvenirs d'une adolescence à cacher, à espérer, à se dire que, peut-être, le monde n'était pas aussi sombre qu'il en avait l'air depuis leur point d'observation, ces vies brisées par leurs héritages ou même leur propre sang. Jusqu'à ce que cette vie les rattrape, fasse d'eux ce qu'ils étaient toujours destinés à devenir, jusqu'à ce que le destin force Walt à faire un choix, laissant Sebastian avec rien d'autre qu'un goût amer sur les lèvres et plus de colère qu'il n'en avait déjà. Il n'a pas besoin d'y réfléchir, il sait exactement où le trouver. Le repère de leurs jeunes années, là où près de vingt ans plus tôt ils s'étaient perdus de vue, une blessure encore à vif. Son regard se pose sur l'homme qui se tient au milieu du parterre de leurs souvenirs communs. - After all this time.. the prodigal son returns.

La rivière coule, paisible, imperturbable; elle est indifférente à la tempête qui fait rage sous le calme apparent, composé qu’il a appris à maîtriser. Elle a été témoin de leurs secrets d’adolescents, de leurs peurs les plus profondes et de leurs doutes. Cadre neutre de leurs premiers flirts, de la tendresse qui pointait sous le masque de la dureté, de deux gamins nés dans des familles dysfonctionnelles, au sommet d’une pyramide, dirigeant d’une poigne de fer un monde qui n’admettait ni faiblesse ni sensiblerie. Juste deux gamins que la force et la violence de leurs destins respectifs avaient cabossés avant l’heure.
Il se tient là, face à elle, alliée par défaut, incertain face au pari qu’il a fait avec lui-même en revenant ici-même après tant de temps, à la source, au berceau de ce qui avait toujours palpité en lui, malgré la distance, malgré les années. - After all this time… the prodigal son returns. La voix n’a pas vraiment changé, toujours un brin rocailleuse, profonde et posée. Il l’aurait reconnue entre mille.

Le sourire naît sur ses lèvres et le coeur manque un battement. Always. L’inconscient a déjà parlé. Il se retourne pour faire face à l’homme que Sebastian est devenu; taillé dans la pierre, solide et ne ployant devant rien. Il est exactement comme dans le souvenir, l’image qu’il s’était faite et qui ne l’avait pas quittée. - Not sure about prodigal… il répond avec ce calme qui l’a toujours caractérisé. Un calme qui n’a pourtant rien de serein, celui qui revient après la tornade, où les dégâts ne sont que plus flagrants. - Done pretending to be someone else. Lance-t-il de façon laconique. Il sait que l’explication ne sera sans doute pas suffisante, mais c’est un début, l’amorce de quelque chose peut-être. Espère-t-il encore?

Enfances brisées, amours adolescentes, survivre à l'âge adulte. Exister avec pour seul but de voir le jour suivant, d'exécuter un autre ordre, un autre être humain. Un quotidien de violence et d'incertitudes, un temps passé à sculpter les arcanes d'une légende, juste pour sauver sa peau, soif de survivre au-delà de tout, de vivre un peu plus longtemps, juste histoire de faire un doigt au destin. Prétendre, chaque jour, que rien ne fait mal, que rien ne l'atteint, à part ici, dans cette enclave si près de tout mais si loin du monde. Le seul endroit où Sebastian s'était autorisé à être vulnérable, juste là, contre cet arbre, au creux de ses bras, unique raccord à une humanité déjà bien érodée par l'abus. Jusqu'à ce qu'un jour ce lieu devienne un cimetière. Il y avait enterré Walt et la personne qu'il avait été à ses côtés, il y avait laissé son indulgence, toute sensibilité. Il était devenu ce qui était nécessaire, pour sauver sa peau, pour ne pas céder au chagrin d'avoir été abandonné - malgré toutes les promesses. Walt lui avait offert de venir avec lui, pourquoi faire? - Done pretending to be someone else. - It took you long enough. Une autre voix se serait brisée, une autre voix aurait laissé transparaître l'émotion qui se débat en dedans, là, au fond de ses entrailles. Il peine à croire qu'il se tient devant lui, après toutes ces années, après tout ce temps à vouloir oublier.

- Twenty years isn't it? I guess you did not have many places to run to after prison. Glacial, avec intention de faire mal, Sebastian n'a jamais eu besoin d'une arme pour viser juste. Serait-il revenu dans d'autres circonstances? Il avait cessé d'espérer après la première décennie. - Murder though, never thought you had it in you. Pas de question, juste une affirmation.

La partie ne s’annonçait pas simple, parce que rien ne l’avait jamais été dans l’antre pourrie de cette Inverness, reine des Highlands. Rien n’avait jamais été simple, surtout pas en naissant dans des familles comme les leurs, trop ancrées dans leurs traditions, dans le crime qui était devenu le seul langage connu de la plupart, qui plus est dans les premiers cercles.
Survivre, chaque jour, un pas de plus, sans s’embourber, sans céder ni flancher, parce que faiblir c’était mourir. Il voit la dureté dans le regard de celui qui n’a plus grand chose à voir avec l’adolescent qu’il avait aimé. Glacial, implacable. Ça par contre, ça n’avait pas changé; l’armure déjà chaussée autrefois, renforcée par les années passées à l’écart, les presque décennies de séparation avaient forgé un acier résistant.
Ténacité. Il ne s’avoue pas vaincu, Walt. Ce n’est pas son style, et encore moins lorsqu’il s’agit du seul homme à avoir conservé, malgré les aléas, malgré les choix qui ont fait bifurquer leurs routes, ce magnétisme, ce pouvoir sur lui. - took you long enough. C’est de bonne guerre, il s’était fait la remarque lui-même, le trajet avait été propice à toutes sortes de questions qu’il avait longtemps mis de côté. L’ombre de ce qu’il était vraiment, menaçante, rôdant, qui ne ferait qu’une bouchée de la réalité qu’il avait construite de toute pièce, pour échapper à ce destin gangrené. - Fair enough.

La froideur a remplacé l’émotion, l’a anesthésiée en réalité, et il le sait, il connaît suffisamment bien le leader du clan Munro. Au fond, celui qu’il a connu n’est pas si loin, enterré sous des couches protectrices de glace, mais dans les yeux, la peine et la colère se mêlent, et ne demandent qu’à briser leurs chaînes. - Twenty years isn’t it? I guess you did not have many places to run to after prison. Volonté de faire mal, de rendre coup pour coup, c’est le mécanisme de défense. - Ouch. La corde sensible. Ça fonctionne. Au moins un temps. - I get it. You were hurt and now it’s payback time? Fine. Il n’y a pas d’animosité dans la voix, pas d’accusation ni de remontrance. L’affirmation. - but why didn’t you come with me, all those years ago? Let’s face it… all of it. Il fait un pas dans la direction de celui qui a tant compté, le seul.

Infaillible, indestructible, Sebastian est le soldat absolu, le leader d'une force plus grande que lui, du genre qui insuffle la crainte dans le coeur de ses ennemis alors qu'ils préfèrent murmurer son nom plutôt que de prendre le risque d'être entendus. Pourtant, en face de ce fantôme du temps qui passe, il se sent terriblement déconnecté de cette personna qu'il s'est construit, ce refuge de l'inhumanité. Parce que Walt peut lui faire mal, parce qu'il sait, qu'il le connaît. La douleur est encore là, sous-jacente mais bien vivante, elle n'a jamais cessé d'exister. Il lui avait demandé de rester, de le choisir lui et pas la promesse d'une autre vie. Peut-être qu'il aurait dû le supplier, se mettre à genoux, mais ç'aurait été se perdre lui-même et une trahison était déjà assez intolérable. Alors oui, il y a de la colère, oui il veut lui rendre les coups que son absence lui a infligés. - but why didn’t you come with me, all those years ago? Let’s face it… all of it. - I thought we were done pretending Walt. Sa voix claque, implacable.

- A man like me, anywhere else but here? Il pourrait presque en rire tant l'idée lui paraît absurde. - If you thought back then that I'd even consider it, you sure as hell didn't know me as well as you thought. Menteur. Bien sûr qu'il y avait pensé, en vain, il savait bien qu'il ne pouvait pas échapper à cette ville, c'était son héritage. Il n'avait pas survécu son paternel et des années de batailles pour baisser les bras. Il n'y a pas d'autre refuge dans un monde tel que celui-ci pour des hommes comme Sebastian, il n'y a qu'ici au fin fond des Highlands, entre la mer et la brume, qu'il a sa place, que son existence a un sens. Walt fait un pas vers lui. Si proche après tant d'années, il suffirait de si peu pour se retrouver, pour se donner une chance, mais le criminel se tend, se retient de faire un pas en arrière.

Soldat de glace, armure qui colle à la peau, pour se protéger, pour se maintenir au sommet, ne pas souffrir. Rester inhumain pour ne pas se faire défier, inspirer la crainte dans son sillage. Il sait, il avait compris rapidement que ce n’était qu’un écran de fumée; qu’en dessous de toute cette indifférence, ce détachement glacial, c’était en réalité un volcan en pleine éruption, une capacité à ressentir bien plus vivace qu’il n’y paraissait. Il se souvient de la discussion, houleuse, qui avait suivi son annonce, le départ pour l’espoir d’une vie loin de ce chaos permanent, cette violence normalisée. Il se rappelle des paroles acerbes, masquant la demande de rester. Il se rappelle du choix cornélien, des deux possibilités qui s’offraient à lui, tellement différentes, mais avec chacune leur attrait. Son coeur s’était brisé lorsqu’après avoir longuement pesé le pour et le contre, il avait décidé de suivre une autre voie, lorsqu’il avait compris que malgré ses arguments, Sebastian ne le suivrait pas hors des remparts. Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas. A une page blanche qu’eux seuls écriraient, à leur guise. - I thought we were done pretending, Walt. La voix implacable, le ton cassant, il tranche toujours autant, blesse avec toujours autant de force.

Mais plus que n’importe quelle phrase assassine, c’est le doute qui fait le plus mal, l’absence totale d’espoir de construire autre chose que ce à quoi sa famille l’a conditionné. - A man like me anywhere else but here? La même incrédulité qu’autrefois, qui balaie l’idée d’un revers de main, l’envoyant valser sans considération dans le champ de l’absurde. - If you thought back then that i’d even consider it, you sure as hell didn’t know me as well as you thought. Déni.
Il secoue la tête, refuse de se laisser embarquer une fois de plus dans ce refrain stérile. Il n’est plus l’adolescent qui baisse les armes, il a d’autres arguments, ou plutôt, les même mais avec le poid de l’expérience en plus. - Now who’s pretending. You  know perfectly well that had you even tried, you could have done anything. But you were simply too scared to dare. I sure as hell wouldn’t have imagined this, not from you. Il soupire. Il n’abandonnera pas, même s’il sait que ça prendra du temps, mais qu’importe. Il est là pour rester cette fois, et rien ne pourra se mettre en travers de sa route. - We were young, we could eat the world raw. I had dreams, yes. Can you blame me for that? I wanted to believe. I had enough hope for both of us, but it was a risk. It’s true. Il n’a fait qu’un seul pas, il ne veut pas hâter les choses.

Deux adolescents. Il voit les formes diaphanes qui se meuvent parmi les buissons. Sous le couvert des arbres, à l'abri des ombres. Deux grands enfants, qui se cachent, qui s'éloignent du reste du monde, qui s'abritent dans le leur, de monde, à l'abri des regards. Ils rient, comme si tout allait bien, parce qu'ils ont encore la force d'y croire. Ils s'accrochent à une innocence en lambeaux mais toujours bien présente, pour quelques jours encore. Ils ont seize ans et de l'espoir à ne savoir qu'en faire, ils s'aiment. Intouchables. Sebastian se rappelle de chaque instant, de chaque promesse, de cette volonté de s'appartenir, entre la violence et la haine, crime et famille, destinée et libre-arbitre. Cruelle réalité de ce que le temps a laissé derrière lui, des fantômes de pollens, leurs souhaits ancrés dans l'écorce de leur repère. Who are you fooling? Qu'il pense. Il ne reste rien de leurs serments, à peine un voile du temps perdu.

- Now who’s pretending. You know perfectly well that had you even tried, you could have done anything. But you were simply too scared to dare. I sure as hell wouldn’t have imagined this, not from you. L'attaque, droit au but, les paroles de Walt ne manquent aucune cible. Il écoute, il encaisse, après toutes ces années, son amour adolescent est encore le seul à pouvoir le heurter si durement à la force des mots. Sebastian se sent comme un animal en cage. Et comme tout animal au pied du mur, il mord. - I did not have the luxury of simply running away, leaving everything and everyone behind. Vorace, sa colère n'a qu'une satisfaction, planter ses crocs dans une vieille blessure et ne pas lâcher, jusqu'au sang, jusqu'à l'os, jusqu'à ce que la chaire expose les dégâts en dessous, toutes ces cicatrices qui ne se referment pas. - We were young, we could eat the world raw. I had dreams, yes. Can you blame me for that? I wanted to believe. I had enough hope for both of us, but it was a risk. It’s true. - And where did your 'hope' take you Walt? Back to Inverness, the long way around. La gueule féroce se referme sur sa proie, le monde autour se colore de pourpre. Deux hommes, rongés par les années, les espoirs et les rêves ont désertés, duel au sommet, sur le champ de leurs batailles, des erreurs et des non-dits et des traces d'un feu qui dort sans ne s'être jamais complètement consumé. You know better, Sebastian. You know. Petite voix à l'arrière de ses pensées, presque silencieuse, presque étouffée par la fureur et le goût du sang. - All you had to do was stay. Le ton n'est plus si cinglant mais il est empreint de remords et de déception, plus cruels encore, le prédateur a beau relâcher la pression, les lésions sont trop profondes, elles font trop mal. Il fait un pas en arrière.

Il ne s’attendait pas à être accueilli à bras ouverts, il n’est pas naïf. Mais le duel qui s’est engagé est d’une violence inouïe, sans un coup de poing ni coup de sang, à la force simple des mots. Des mots qui déchirent, qui font mal. Ça, au moins, ça n’a pas changé. Les propos sont plus durs, plus tranchants, mais il y a toujours une certaine dose de violence dans leur amour, une férocité dans leurs échanges. Ils en sont venus aux mains tant de fois qu’ils en ont perdu le compte, mais la ferveur de leurs étreintes était plus virulente encore.
Chaque parole est un coup au coeur, chacun a de quoi faire vaciller l’autre, des armes plus efficaces encore que n’importe quel revolver ou poignard. - I did not have the luxury of simply running away, leaving everything and everyone behind. C’est un coup bas, qui serait presque fatal s’il ne savait pas mieux, s’il ne connaissait pas Sebastian comme il le connaît. - Well if I was running away, you were burying your head in the sand. Il ne se contente pas d’encaisser, parce que Sebastian n’est pas le seul à avoir souffert, à espérer en vain.

Entêté, l’animal est aux abois alors il se montre agressif, il attaque. C’est un mécanisme de défense que l’humain a aussi adopté, et Sebastian en tête. Il ne lâchera rien, Walt le sait parfaitement, il persistera même dans sa mauvaise fois et une fois de plus, il ne suffirait que de laisser passer la tempête pour retrouver un semblant de calme, de ciel bleu. Ça a toujours marché, en tout cas à l’époque, c’était la seule façon, il l’avait compris. - And where did your ‘hope’ take you Walt? Back to Inverness. The long way around. Il déglutit avec peine. C’était bas et il le sait très bien, mais il est dans une optique de destruction, oeil pour oeil, dent pour dent. - Alright, maybe it was a spectacular failure, maybe i got it all wrong, but I was never one to just accept what was handed to me. And no, it’s not hope that brought me back here.
Si; l’espoir était là, mais d’une autre sorte. L’espoir ce ceux à qui on a coupé les ailes.. L’espoir un peu timide de pouvoir recoller les morceaux, de se réinventer une nouvelle fois. De retrouver l’homme qu’il n’avait jamais cessé d’aimer. - All you had to do was stay. L’amertume revient à la surface. - Perhaps. Il est trop tard maintenant pour s’attarder sur ces considérations. - But tell me one thing, if we’re going to stop pretending. What were you so afraid of? Face it for once, don’t give me that destiny crap. Le mouvement de recul lui aussi est un coup de plus au coeur. - They say when you love someone, you work it out. Maybe you didn’t love me as much as you thought. If that’s the case, look me in the eyes and tell me you don’t want to work it out, give us another chance. Sa voix se brise, mais ils ont déclaré l’un comme l’autre vouloir en finir avec les faux-semblants, les non-dits. Ne plus se cacher, ne plus se mentir.

Coup pour coup. Leurs assauts sont violents, ils vont droit au coeur, ils se connaissent trop bien pour ne pas savoir se faire mal. Ils se sont construits ensemble, dans cette clairière, dans le vieil entrepôt derrière le Sinnerman, dans cet espace entre le rêve et la réalité où ils se retrouvaient tous les deux, seuls, main dans la main, la fureur au poing. Ils se sont modelés l'un et l'autre, sous les phalanges brisées et les baisers acharnés. Ils se sont donnés de l'espoir. L'espoir. Une notion qui n'a plus beaucoup de sens pour Sebastian, l'espoir de quoi ? D'une vie meilleure ? D'une vie ailleurs ? Il n'y avait pas d'ailleurs pour lui, il n'y rien de mieux que de suivre les pas d'une histoire tracée pour lui par ceux qui l'ont précédé, se battre pour la mémoire de son oncle, pour le regard de sa mère, pour ne pas devenir complètement inhumain. Ils s'étaient racontés des histoires, des contes d'une autre vie, loin de ce coin d'Ecosse qui pourtant leur appartenait, mais c'étaient des fantaisies, juste des fables, presque des mensonges. Le tonnerre gronde. - But tell me one thing, if we’re going to stop pretending. What were you so afraid of? Face it for once, don’t give me that destiny crap. Insulte suprême. Il avait eu peur, oui, mais il n'a jamais été du genre à se laisser influencer par ses terreurs, plutôt du style à leur figer une balle entre les deux yeux. La tempête résonne, menaçante, elle se rapproche à chaque mot. - I never would have left Caleb and my mother, you of all people should know I'd never leave them behind.  Il voudrait dire plus mais refuse de s'avouer vaincu, malgré les propos sensés et considérés de Walt. You should know I'll always choose my family, you could have been part of it too.- I've been the head of this family ever since I shot my father. There was nowhere for me to run. 

- They say when you love someone, you work it out. Maybe you didn’t love me as much as you thought. If that’s the case, look me in the eyes and tell me you don’t want to work it out, give us another chance. Maybe you didn't love me as much as you thought. Ça l'enrage, cette phrase, à peine un morceau de leur conversation, un vers prononcé au coeur de l'orage, et pourtant ça retentit comme un coup de feu à son oreille. Il plante son regard dans celui qui est à la fois son adversaire et le fruit de son affection. - You know damn well love had never been the problem. La foudre frappe, dévastatrice. Ça non, Walt peut s'en prendre à son courage, à ses craintes, à ses calomnies, toutes ses erreurs, mais pas à ça, pas à l'amour. Sebastian déclarerait des guerres pour cet amour. I'd eat the world raw, for that love. Il n'a qu'à la saisir, cette opportunité, cette promesse de raviver la flamme, de reprendre où ils s'étaient quittés. - You already left once.  Les paroles trainent, imprégnées de ce chagrin qu'il s'est toujours entêté de cacher aux yeux du monde, porteuses de son angoisse. I couldn't bear to lose you twice.

Il n’y a aucun coup d’échangé, mais pourtant, cette douleur qui enserre le coeur et le fait saigner est bien réelle, elle est beaucoup plus insidieuse que celle des os qui se brisent. Le poison qui se répand est bien plus terrible. La blessure ne se voit pas, elle est pourtant béante et chaque parole est remue un peu plus le couteau dans cette plaie jamais refermée malgré les années.
Ce qu’il y a eu entre eux, comment aurait-il pu l’oublier? Ils n’étaient que des gamins, ici-même, au pied de cet arbre déjà plusieurs fois centenaire; deux gamins, jetés sans ménagement dans un monde d’adultes qui les dépassait et qui n’avait pour eux aucune considération. Ils ont été broyés par la machine infernale qui ronronne dans les entrailles pourries d’Inverness, dans la noirceur de son fonctionnement, sa violence. Pourtant, malgré toute la désolation, toute la souffrance qui les avait rassemblés, liés pour ce qu’ils pensaient allait être pour toujours envers et contre tout, ils restaient fondamentalement différents dans leur façon de voir le monde, de riposter. - I would never have left Caleb and my mother, you of all people should know i’d never leave them behind. C’est défendable. Tellement que ça lui tord les tripes, il ne peut pas lutter contre cet argument, mais pourtant, l’esprit qui défie, fidèle à ce qu’il avait toujours été, il réplique. - maybe they’d have understood, if you had explained… they’d have wanted you to be happy, even if it was away from here. You know that too.

La famille a toujours été le pilier, il aurait dû le savoir mieux que ça, il le savait, et c’était une chose qu’il lui avait toujours envié et admiré. Loyauté envers sa famille. Au moins, lui en avait une. Dysfonctionnelle et un peu claudiquante, mais le noyau était solide. L’amertume de n’avoir jamais pu en dire autant lui revient en pleine figure, comme une claque.
Il provoque la rage, parfaitement à dessein, parce qu’il sait qu’en dessous, se cache autre chose. Se cachait. Peut-être qu’il fait encore une fois fausse route, que tout ce dont il se souvient n’existe plus, trop profondément enfoui, enterré. Il s’obstine, il veut raviver cette flamme, quitte à se brûler, à s’attirer la foudre. Il a l’habitude. - You know damn well love had never been the problem. Dans la fugacité de ces quelques secondes, il revoit l’amour de sa jeunesse, voilé dans ce regard qui se fait plus dur qu’il ne l’est, pour se protéger. - Is there any left? Of that love? Because I still love you, Sebastian Munro. Always have, always will. C’est son dernier espoir, la dernière munition, et il a le coeur qui tambourine comme un fou, mécanisme hors de tout contrôle, dans sa poitrine.

Avec le temps va... Non, Sebastian, qu'importe les années, qu'importe les coups et les corps, il a certaines choses qui ne meurent jamais, qui sommeillent peut-être, parce qu'elles seraient trop dures à porter chaque jour, elles feraient trop mal. C'est la bénédiction du genre humain, l'oubli, le déni, l'habileté de se mentir à soi-même, autrement on se laisserait mourir trop souvent, l'instinct de survie ne peut pas s'en prendre à vigueur des émotions, alors les émotions se taisent, pour sauver la carcasse qui les porte. Et plus elles sont fortes, plus elles en emportent dans leur silence, plus elles détruisent l'homme qui ne pouvait les assumer, elles ne laissent qu'une enveloppe d'os et de chair. Sebastian n'est pas devenu ce qu'il est sous les coups de son paternel, il n'a pas changé, comme certaines le disent, lorsqu'il a pressé la détente qui a envoyé le père Munro vers des tourments bien mérités, certains disent qu'il n'était jamais le même après ça, la vérité c'est qu'il les a laissé croire, imaginer, supposer, parce que les faits sont bien plus terre-à-terre, tellement plus simples. Sebastian a eu le coeur brisé.

- Is there any left? Of that love? Because I still love you, Sebastian Munro. Always have, always will. Là, face à lui, face à ce coeur mis à nu, le criminel essuie l'assaut le plus vivace, le plus vicieux aussi. C'est plus facile de prétendre, tellement plus accommodant de se dire que les choses ont changé. Parce que Sebastian, il a le coeur exsangue, il n'a plus la force, il n'a plus l'envie, vingt ans d'une vie à ne plus y croire, c'est une éternité, une toute autre vie. Il n'est plus le même, ils ne sont plus les enfants du temps passé, du temps perdu, ils se sont égarés, abandonnés. Pourtant, l'aveu se forme sur sa langue, presque à son insu - It never went away. It never went away... sa façon de lui dire, I still love you too. Il l'aime, il l'aime, il l'aime, comme avant, comme toujours, les émotions s'éveillent, elles le prennent à la gorge, assassines. Il n'est pas prêt, il ne peut pas, il y a des choses qu'on ne survit qu'une fois. Alors pour la première fois depuis qu'il a remis les pieds dans cette clairière, Sebastian baisse le regard, il fait un autre pas en arrière, à deux doigts de s'éclipser, parce qu'il ne sait pas ce qu'il peut faire d'autre. Walt est sa faiblesse, il avait oublié ce que ça faisait de ne plus s'appartenir, d'être deux, de n'être plus qu'un, d'entrevoir dans les yeux de l'autre son propre reflet, et d'aimer ça. Ce pas en arrière, peut-être qu'il ne suggère pas la fuite, ce pas en arrière, peut-être qu'il prend juste son élan.

Un premier amour ne s’oublie pas. Malgré les années, malgré l’éloignement physique, Walt n’a jamais oublié. Il a gardé jalousement, les souvenirs de l’étreinte, le goût salé du sang, le goût des lèvres de Sebastian qui malmenaient les siennes. Il n’a jamais oublié les bagarres, lutte pour garder le contrôle, le côté féroce de cet amour teinté de douleur et d’espoir urgent.
Aberdeen avait apporté son lot de rencontres, mais aucune n’a pu égaler l’intensité de cette passion dévorante. Aucun amant n’avait pu effacer de sa mémoire les traits de celui qui, bien trop tôt, avait été forcé de devenir un homme, d’assumer des responsabilités bien trop lourdes pour son âge.
Alors, il a tout misé, jeté ses dernières munitions dans cette bataille qui pourrait bien s’avérer meurtrière. Le coeur au bord des lèvres, la tension est palpable dans ce petit bout de clairière. Sa dernière carte, c’était l’aveu pur et simple, ce qui lèverait le doute une bonne fois pour toute. Au bout de quelques instants qui lui ont paru une éternité, les mots libérateurs, viennent, probablement sans avoir été vraiment commandés. - Never went away. C’est tout ce qu’il avait besoin d’entendre. Tout ce qui scelle son retour dans la ville pourrie, reine souillée des Highlands. Il sait que c’est l’équivalent d’un I love you too mais ces mots il sait que Sebastian a du mal à les prononcer.

Cette fois, peut-être pour la première fois depuis aussi longtemps qu’il se souvienne, il se sent complet, entier. Confirmation salvatrice d’être toujours la moitié de ce tout. Qu’importe les obstacles qu’importe le reste du monde, plus rien ne pourra leur barrer la route, si ce n’est le temps qu’ils mettront à se réapprivoiser, à retrouver comment ils fonctionnent, ensemble. Il ne veut rien brusquer, même s’il n’a pas envie de perdre une seconde de plus de ce qu’ils pourraient être, il doit prendre son mal en patience. - I’m at the flat above the old pub.. You know where to find me… whenever you want, i’m not going anywhere. c'est une promesse, un souffle avant de se fondre dans le paysage pour regagner le vieux centre.