T’as pas desserré les dents de tout le trajet, tes coéquipiers savent que dans ces cas là, mieux vaut ne pas t’adresser la parole. Tu tiens l’arme de ton collègue dans la main, t’as sa plaque dans ta poche, et même si tu sais que ça fait partie du métier, t’arrives pas à avaler la pilule. Tu penses à la mère de ce pauvre gars, tu vas devoir aller la voir pour lui annoncer la nouvelle, la pire qu’une mère puisse jamais recevoir et à chaque fois, ça te fout en l’air, même si t’as jamais été père, tu ne peux qu’essayer d’imaginer la douleur. Jeff c’était comme le frère que tu n’as jamais eu, le meilleur ami, celui qui comprenait sans que t’aies besoin de dire un mot, bref, c’était un peu le prolongement de toi et maintenant, tu vas devoir continuer sans lui. Retournés au QG, tu descends de la fourgonnette et disparaît sans cérémonie au parking sous-terrain. T’as besoin d’un peu de solitude pour digérer, pour que ton cerveau imprime. Tu démarres la voiture et en sortant, à la lueur du soleil faiblissant, tu roules droit devant, tu files vers l’Interstate, les mots se battent dans ton esprit, tu essaies tant bien que mal d’y mettre un peu d’ordre, mais c’est un échec pitoyable ; tu vas te retrouver comme un demeuré devant Mrs Wallace. Quantico ne t’avait pas préparé à ça et être sorti major de ta promotion ne t’est d’absolument aucune aide.

Tu consultes tes mails, convaincu que tes récentes demandes d’emploi sont restées sans réponse ; ça ne fait pas deux semaines, mais pourtant, un courrier attire ton attention. Ce n’était pas vraiment ce à quoi tu t’attendais, lorsque tu avais envoyé ta candidature dans toutes les boites de sécurité privées de la côte Est, mais la description du poste n’est pas dénuée d’intérêt ; tu ne seras pas toute la journée devant des dizaines de petits écrans, il y a un côté humain qui te fait considérer l’option. Tu prends ton téléphone pour appeler le numéro indiqué pour un premier contact, et tu tombes sur une voix masculine ; la conversation est brève, efficace, et tu te dis qu’au pire, ça ne t’engage à rien. En repassant dans ce couloir, mille fois arpenté, non loin de là où tu entraînais les recrues il n’y a pas si longtemps, tu te dis que mine de rien, tu laisses une partie de toi dans ces locaux. Le Bureau. Douze ans de bons et loyaux services, ça ne s’efface pas, malgré les coups, les erreurs, les doutes. Les tapis en cuir noirs posés sur le sol te rappellent les séances de corps à corps, tu tentais de transmettre aux jeunes ce que t’avait appris ton mentor, un ex Mossad. Elle se détachait nettement du lot, ses yeux d’émeraude éclataient d’une vivacité que tu avais rarement vue. Nicola Myers. Encore une avec un sacré flair, mais aussi un sacré tempérament.

Baltimore. C’est là que t’attend ton nouveau job. T’as rendez-vous à 15h pour récupérer les clés de ton appart ; il est plus petit que celui de Richmond, mais dans celui-là, tu seras seul alors c’est bien suffisant. Au feu rouge, ton regard se pose sur l’alliance à ton annulaire gauche. Tu réprimes un ricanement. Tu sais pas pourquoi, t’as cette drôle d’impression, l’instinct te fait rarement défaut, de t’être fait avoir. Tu peux pas te l’expliquer, c’est impalpable mais c’est bien là.

 prénom écrire ici  âge écrire ici Comment es-tu arrivé par ici ? écrire ici Autre(s) compte(s) écrire ici  présence écrire ici  le mot de la fin écrire ici